L'œil est un organe sensoriel très complexe qui a pour fonction d’assurer la vision.
Dans cette partie, nous essayerons de comprendre comment cet organe parvient, à partir de la lumière, à former un message électrique.
Un rayon lumineux, provenant de l'environnement, traverse tout d’abord la cornée, puis le cristallin.
Afin de le faire arriver de manière concentrée sur la rétine, la surface photoréceptrice, il est essentiel que la cornée et le cristallin le dévient.
Bien que la cornée soit fixe, elle va réaliser 80% de la déviation. Le cristallin, quant-à lui, est capable de se bomber à l’aide des muscles l’entourant pour permettre la vision de près. Il assure ainsi les 20% restants.
Une fois ces milieux traversés, le rayon doit maintenant se propager dans l’humeur vitrée jusqu’à la rétine.
Comme décrit dans la partie sur la structure anatomique, la rétine est constituée de deux types de cellules particulières, appelées photorécepteurs, ou encore cellules photoréceptrices : les cônes et les bâtonnets.
On relève chez l’homme entre 92 et 100 millions de bâtonnets, et entre 3 et 4 millions de cônes.
C'est au niveau du segment externe de ces cellules, que la suite du processus se déroule.
Le segment externe est formé d’un empilement de plusieurs centaines de lamelles, que l’on appelle disques.
Ces lamelles correspondent elles-mêmes à des repliements de la membrane plasmique de la cellule photoréceptrice.
Au niveau de ces disques, on trouve des molécules transmembranaires jouant un rôle dans la vision.
Des expériences ont été menées sur l’activité électrique des cônes.
On peut par exemple citer celle du biologiste Tornita, en 1967, qui a mis en évidence le fait que les cônes ne possèdent pas tous la même sensibilité pour un rayon de même longueur d’onde.
Ainsi, chez l'Homme, on peut classer les cônes en trois catégories, chacune ayant une absorption maximale différente : les cônes “S”, pour short, sensibles au violet et au bleu (les plus courtes longueurs d’ondes du spectre du visible), les cônes “M”, pour médium, sensibles au vert (les longueurs d’ondes dites moyennes), et les cônes “L”, pour large, sensibles au rouge (les plus longues longueurs d’onde du spectre du visible).
On dit donc que les cônes sont impliqués dans la vision photopique, c'est à dire la vision en couleur.
Quant-aux bâtonnets, ils ne détectent pas à proprement parler ce que l’on nomme la couleur. Ils sont sensibles à un intervalle de longueur d'onde particulier, mais les informations provenant des bâtonnets seront traduites par le cerveau en images avec différentes teintes de gris, et non pas en couleur comme pour les cônes.
Les bâtonnets sont très sensibles à l'intensité, c'est à dire la quantité de lumière. Au contraire des cônes qui ont besoin d'une forte intensité lumineuse pour être activés, les bâtonnets n'ont besoin que de très peu de lumière.
Lors de la vision nocturne, ce sont donc les bâtonnets qui sont majoritairement opérationnels. C’est pourquoi la nuit nous ne distinguons que très peu les couleurs. Cette vision par les bâtonnets uniquement, avec une lumière faible, est appelée vision scotopique.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’oeil humain ne parvient à traiter qu’une très petite partie du spectre de la lumière.
De fait, nous ne sommes capables de transformer qu’un infime intervalle de longueurs d’ondes en message nerveux, puis en image.
En revanche, les yeux étant différents d’une espèce à l’autre, certains animaux sont capables de voir certaines de ces longueurs d'ondes considérées pour nous comme “invisibles”.
Ces différences de sensibilité sont liées à des variations de quantité et de caractéristiques de molécules transmembranaires, que l’on appelle aussi parfois (à tort) "pigments''.
Toutes ces molécules transmembranaires sont formées d’une partie protéique et d'une partie non-protéique.
La protéine de la partie protéique est l’opsine, dont la séquence d’acides aminés peut varier donnant ainsi plusieurs versions possibles.
Pour tous les bâtonnets, “rod” en anglais, la molécule transmembranaire est nommée la rhodopsine.
Elle ne possède qu’une seule version de l’opsine (appelée RHO au lieu d'OPS). Cette molécule transmembranaire traverse la membrane des disques sept fois. Le véritable pigment, le capteur de lumière, est située à l'intérieur de la protéine, il est nommé rétinal. Nous verrons plus loin comment il fonctionne. Mais il est important de noter, avec cette image en vue, que la sensibilité de la fréquence de l'onde lumineuse, comme le montre le schéma 2, est déterminée par la combinaison du rétinal et la composition précise de la protéine. Les changements dans la composition de la protéine entrainent des changements dans la sensibilité de la longueur d'onde (voir ci-dessous).
Pour les cônes, la molécule transmembranaire des mammifères est dénommée l’iodopsine, pour laquelle on trouve trois déclinaisons différentes de l’opsine.
La version de la molécule la plus présente sur la membrane va déterminer la catégorie de la cellule photoréceptrice.
Ainsi :
La partie non-protéique est appelée la rétinène, qui est un dérivé de la vitamine A.
C'est un caroténoïde, un pigment dans le vrai sens du terme, qui a pour fonction de transformer le signal lumineux en signal chimique (puis électrique).
On peut trouver la rétinène sous deux configurations : cis, c’est le rétinal et trans, c’est le rétinol.
Lorsque la molécule transmembranaire est au repos, il s’agit du rétinal.
Nous savons, grâce à la physique quantique, que la lumière est à la fois une onde mais aussi un corpuscule, c'est-à-dire une parcelle de matière mais sans masse.
En effet, ce que l’on nomme “la lumière” est en fait le déplacement de particules sans masse appelées photons.
Lorsqu’un photon pénètre dans notre œil, il va venir percuter la membrane de nos cellules photoréceptrices, activant alors une réaction au niveau de la rétinène, la partie non protéique des molécules transmembranaires des cônes et des bâtonnets.
Ceci va déclencher une modification de la rhodopsine (molécule transmembranaire des bâtonnets), ou de l’iodopsine (molécule transmembranaire des cônes).
Nous allons détailler ici ce qui se produit au niveau de la rhodopsine (mais les étapes se déroulent de manière similaire pour l'iodospine)
Lorsque la cellule photoréceptrice n'est pas activée, on trouve la molécule transmembranaire sous la forme de la rhodopsine. (schéma 5)
Comme vu précédemment (schéma 4), elle est composée d’une partie non protéique, de la rétinène, présente sous la conformation 11-cis retinal-lysine, que l’on appelle plus couramment le rétinal ou le rétinaldéhyde.
On dit aussi que le rétinal est l’inverse-agoniste de la rhodopsine, il garde le récepteur dans son état inactif, c'est-à-dire l'état où le récepteur est incapable de passer un message
Mais l'arrivée du photon déclenche le phénomène de photoisomérisation.
Il s’agit d’un processus chimique qui induit l'isomérisation d’une molécule, c'est-à-dire un changement spatial.
Un déplacement des électrons entraîne la destruction de la liaison double entre le carbone 11 et le carbone 12 dans le rétinal, autorisant alors la rotation du reste de la chaîne carbonée. Puis la liaison double se reforme bloquant ainsi la nouvelle configuration. On obtient l’isomère du 11-cis retinal : le all-trans rétinol, tandis que la partie lysine s’est détachée.
En opposition au rétinal qui est l’inverse-agoniste, on dit que le rétinol est l’antagoniste.
Cette photoisomérisation a deux conséquences majeures :
La transducine est une protéine de liaison au GTP : automatiquement un GTP (un nucléotide, guanosine triphosphate) vient s’y fixer, puis il est naturellement hydrolysé. L'hydrolysation entraîne le détachement d’un groupe phosphate, on a donc maintenant un GDP (un nucléotide, guanosine diphosphate).
Dans le cas où il n’y a pas de lumière, (rhodopsine - voir schéma 5), la transducine n’est pas activée. Des sous-unités de la protéine inhibent le détachement du GDP, donc celui-ci reste fixé à la protéine.
Lorsqu'il y de la lumière, (état métarhodopsine - voir schéma 5), la transducine est activée. Les sous-unités qui auparavant bloquaient le départ du GDP sont détachées. Le GDP peut donc se déloger de la protéine. La place libérée, un nouveau GTP viendra automatiquement s’y fixer, puis subira à son tour, mais après un bref délai, l’hydrolysation avant de se détacher. Un cycle d’échanges se met en place.
Dans son état liant le GTP, la transducine va pouvoir interagir et activer une autre protéine, c'est l'enzyme phosphodiestérase.
Cette enzyme détruit les GMPc (un nucléotide, guanosine monophosphate cyclique), en déclenchant leur hydrolysation en GMP (guanosine monophosphate).
La phosphodiestérase fait donc diminuer de manière très importante la concentration de GMPc dans la cellule.
Cette diminution est d’autant plus importante que les GMPc sont produits en continu, mais uniquement en condition d’obscurité.
(Ils sont produits par une enzyme (la guanylate cyclase) à partir de GTP au niveau d’une protéine transmembranaire (GUCY2D))
Comme nous l’avons déjà dit, les bâtonnets permettent la vision même dans des conditions de faible luminosité, cela est en fait réalisable grâce à une cascade biochimique : on estime qu’un métarhodopsine peut activer environ une centaine de transducines, et chaque molécule de phosphodiestérase peut hydrolyser environ un millier de GMPc. On appelle cela " l'amplification du signal ".
En conclusion, la métarhodopsine active une protéine membranaire, la transducine, entrainant la mise en place d'un cycle d'échanges (GTP hydrolysés en GDP). Ce cycle d'échanges active lui-même une protéine enzymatique, la phosphodiestérase, qui va hydrolyser les GMPc présents dans la cellule. La quantité de GMPc va chuter de manière très importante dans la cellule photoréceptrice.
En présence de lumière, la protéine nommée transducine est activée, son activation détruit une partie des GMPc. La concentration des GMPc dans les cellules photoréceptrices diminue fortement.
Les GMPc sont aussi nommés les “seconds messagers”, car jouant un rôle dans la conduction de messages nerveux.
En effet, en condition d'obscurité (la rhodopsine et la transducine sont inactivées), les GMPc sont attirées par des protéines transmembranaires (nommées CNGA1) dans nos cellules photoréceptrices. Ces protéines sont des canaux ioniques : les ions voyagent de manière passive au travers en fonction des gradients de concentration.
La fixation des GMPc à ces protéines est nécessaire pour le fonctionnement de ces canaux ioniques. S'ils ne s'y fixent pas, aucun ion ne peut traverser la membrane plasmique (membrane délimitant la cellule et l'extérieur) au moyen de ces protéines.
Une fois accrochés, ils permettent l’entrée dans la cellule d’ions calcium, Ca2+, et d’ions sodium Na+.
Ce déplacement d’ions en continu, au travers de la membrane plasmique, permet de former et de conserver un potentiel de membrane autour de - 40 mV. Ce potentiel étant formé en condition d’obscurité, il est nommé le courant d’obscurité.
Remarque : le potentiel de membrane des cellules photoréceptrices est beaucoup plus élevé que celui des autres cellules, en moyenne autour de - 65 mV.
On a vu précédemment qu'en condition lumineuse, la protéine transducine est activée, entrainant l'hydrolyse des GMPc en GMP par l'enzyme phosphodiestérase.
Les GMP ne peuvent pas s'accrocher aux canaux ioniques, qui se retrouvent inactifs. Par conséquent, les ions ne rentrent plus dans la cellule, le potentiel de membrane est diminué, on parle donc d'une hyperpolarisation.
Plus l'intensité lumineuse est importante, plus il y aura de GMPc détruits, et par conséquent de canaux fermés. Or plus le nombre de canaux fermés sera important, plus le potentiel de membrane va diminuer. On obtiendra donc un potentiel de membrane entre -45 et -70 mV environ.
Lorsque le pigment (rétinène) d'une cellule photoréceptrice (cône ou bâtonnet) reçoit un photon, il change d'état ce qui modifie la molécule transmembranaire qui le contient, ce qui active la protéine transducine (cycles de nucléotides GTP/GDP), ce qui active l'enzyme phosphodiestérase qui hydrolyse les nuclétotides GMPc en GMP, rendant ainsi les canaux ioniques de la cellule inopérants, et finalement les ions Ca2+ et Na+ ne pénètrent plus dans la cellule ce qui modifie le potentiel de membrane.
Plus l’intensité de lumière aura été importante, plus le potentiel de membrane chutera jusqu'à - 70mV. C’est ce que l’on appelle aussi l’hyperpolarisation de la membrane plasmique.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce n’est donc pas la formation d’un potentiel mais l'absence de potentiel qui va être à l’origine du message nerveux qui permet par la suite la vision.
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Aicha (samedi, 15 juillet 2023 20:39)
Marci bcp
David S. (samedi, 22 mai 2021 08:33)
Un excellent blog sur l’œil qui permet d’appréhender les principes de fonctionnement physico-chimiques de l’œil : une mécanique si précise et ordonnée. Les plus : les petites anecdotes sur les animaux , la couleur bleu... Chapeau bas.
King R (mercredi, 19 mai 2021 20:43)
Magnifique blog qui vaut le coup d'oeil ;)
Mrp (dimanche, 09 mai 2021 20:55)
Une superbe découverte! Beaucoup de connaissances amenées à la hauteur de tous, de très beaux schémas et de belles animations, une pointe d'amusement, un coktail parfait! J'ai pris un réel plaisirs à lire et à apprendre!
Beebaw (dimanche, 02 mai 2021 13:11)
J'ai pris un réel plaisir à découvrir ce blog, vraiment complet, interactif et parfaitement vulgarisé.
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